ÉDITO. Des Palestiniens font preuve d’un courage inouï en manifestant au péril de leur vie contre la dictature du Hamas.
Par Luc de Barochez, LE POINT.
L'impossible, parfois, peut arriver. Pour la première fois, des Palestiniens ont manifesté dans la bande de Gaza pour dénoncer les fauteurs de guerre du Hamas. Trois jours, durant, les protestataires ont défilé pour réclamer l'arrêt des effusions de sang et maudire le mouvement islamiste, responsable des massacres barbares du 7 octobre 2023 en Israël et de l'enlèvement de 251 otages il en détient toujours 59, dont moins de la moitié seraient vivants.
On a attendu en vain des témoignages de solidarité de la part des défenseurs autoproclamés de la cause palestinienne, tels Rima Hassan ou Jean Luc Mélenchon. Et pourtant! Les manifestants gazaouis sont doublement opprimés, pris entre les bombes israéliennes, d'un côté, et la férule islamiste, de l'autre. Ils font preuve d'un courage héroïque, car ils risquent leur vie en élevant la voix contre la dictature. Le Hamas n'a pas tardé à réagir, de la manière la plus brutale: un contestataire âgé de 22 ans a été torturé à mort par les hommes de main de l'organisation, qui ont en suite jeté son corps supplicié devant la maison familiale, à titre d'avertissement. Le groupe terroriste n'a rien perdu de sa cruauté.
Cependant, le simple fait que le "soulèvement des tentes", comme l'appellent des militants palestiniens, ait pu avoir lieu, prouve que le contrôle du Hamas sur la bande de Gaza n'est plus aussi efficace que naguère. Depuis qu'il a installé de force son pouvoir en 2007, le mouvement islamiste n'a toléré aucune dissidence. Il a réprimé, emprisonné et torturé les opposants, comme le relatait en 2018 un rapport de l'ONG Human Rights Watch. En juillet dernier, au plus fort de la guerre, des tortionnaires ont brisé à coups de marteau et de barres de fer les bras et les jambes d'un Palestinien de 35 ans, Amin Abed, parce qu'il avait osé critiquer les tueries du 7 Octobre.
Il s'agissait là de contestations individuelles. C'est la première fois que des manifestations publiques réunissent tant de monde plusieurs milliers au total, selon le défenseur gazaoui des droits de l'homme Moumen al-Natour. Leurs slogans expriment le désespoir de la population dans un territoire dévasté par la guerre et à nouveau soumis, depuis un mois, à un blocage de l'aide humanitaire. Après six semaines de cessez-le-feu, la reprise des frappes is raéliennes, le 18 mars, à la suite d'un dif férend sur la libération des otages, a ouvert un nouveau cycle de violences. De nombreux Palestiniens sont contraints de fuir à nouveau pour se réfugier dans des zones moins exposées.
Les civils de Gaza sont aussi des otages, en quelque sorte. Les terroristes islamistes les utilisent comme boucliers humains, en se terrant dans les zones les plus densément peuplées, d'où ils tirent des roquettes contre Israël, et en creusant des tunnels sous des immeubles d'habitation ou des hôpitaux. Comme l'a fait remarquer l'an dernier l'écrivaine Herta Müller, Prix Nobel de littérature, "Israël a besoin de ses armes pour protéger sa population, le Hamas a besoin de sa population pour protéger ses armes". Pour que les Gazaouis puissent vivre,
les otages israéliens doivent être libérés et la guerre doit s'arrêter. Mais surtout, le Hamas doit renoncer au pouvoir et ses chefs doivent s'exiler. En s'abstenant de définir tout projet viable pour l'avenir de Gaza et en s'adonnant à des réflexions aussi dangereuses que fumeuses sur un exil massif des Palestiniens qui y survivent, le gouvernement Netanyahou porte une part de responsabilité dans l'impasse politique. Son objectif de guerre, l'éradication du Hamas, n'a pas été atteint. Le mouvement est affaibli, mais pas brisé. Devant la Knesset, Netanyahou s'est félicité des manifestations anti-Hamas, y voyant un signe que sa politique de pression extrême "fonctionne". Il sait pourtant que ce genre de déclaration fait le jeu de la propagande islamiste qui dénonce les contestataires comme des "collaborateurs" d'Israël. Le réveil de la société civile palestinienne est une lueur d'espoir, mais la solution politique semble toujours aussi lointaine.