DÉCRYPTAGE - Le président français a souligné lundi que le Hamas devra être entièrement exclu de la gouvernance de l’enclave.
Par Georges Malbrunot Envoyé spécial au Caire, LE MONDE.
Après une visite au nouveau Musée pharaonique du Caire et une déambulation nocturne dans les ruelles du célèbre souk al-Khalili en compagnie du président Abdel Fattah al-Sissi, dès lundi matin, Emmanuel Macron a replongé dans les convulsions du Moyen-Orient.
Accueilli aux coups de canon à son arrivée au palais présidentiel al-Ittihadiya, le chef de l’État a eu des entretiens avec le raïs égyptien, largement consacrés à la bande de Gaza, voisine de l’Égypte, où Israël a repris ses bombardements. Le Caire s’inquiète des plans américains de transférer plus de 2 millions de Palestiniens dans le désert du Sinaï où se rend mardi Emmanuel Macron, accompagné une fois encore par son homologue égyptien.
La stabilité de l’Égypte s’en trouverait menacée. Le président de la République partage les préoccupations d’Abdel-Fattah al-Sissi, auquel il a réaffirmé son rejet du plan Trump de faire de Gaza une improbable «Riviera du Moyen-Orient». «Nous nous opposons fermement à tout transfert de population et annexion de Gaza comme de la Cisjordanie», a solennellement répété Emmanuel Macron lors d’une déclaration commune avec son hôte. «Il s’agirait d’une violation du droit international, d’une menace grave pour la sécurité de toute la région, y compris celle d’Israël», a-t-il ajouté. Un rappel clair le jour où le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, entamaitsa visite à Washingtonpour y rencontrer son allié Donald Trump.
Mais l’Égypte, qui a perdu 7 milliards de dollars de recettes à cause des attaques des rebelles yéménites houthistes en mer Rouge, pourrait avoir du mal à résister aux pressions de l’Administration américaine, tentée de mettre dans la balance son importante aide financière au Caire (2,1 milliards de dollars chaque année). Pour desserrer l’étau, Abdel Fattah alSissi a concocté un plan alternatif de reconstruction de l’enclave palestinienne que les pays arabes ont endossé lors d’un sommet, le 4 mars, sur les bords du Nil. «Un plan réaliste», que la France soutient, a souligné Emmanuel Macron, qui permettrait «d’ouvrir la voie à une nouvelle gouvernance» dans une bande de Gaza ravagée par dix-huit mois de bombardements israéliens (plus de 40000 morts), consécutifs à l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël (plus de 1100 victimes).
Dans cette optique, a rappelé Emmanuel Macron, «Le Hamas doit être entièrement exclu de la gouvernance et ne doit plus constituer une menace pour Israël». C’est aussi la position de l’Égypte et de nombreux pays arabes, comme la Jordanie, également inquiète des plans de Donald Trump, dont le roi, Abdallah II, a été convié lundi au Caire pour échanger avec Abdel-Fattah al-Sissi et Emmanuel Macron. Problème: si, politiquement, le Hamas accepte de ne plus faire partie d’une autorité gérant l’après-guerre, militairement, il refuse de désarmer. «Et, face à la dernière offensive militaire israélienne, le Hamas a encore durci son refus de déposer les armes ou d’accepter l’exil de ses dirigeants», confie un Palestinien, en contact avec le mouvement islamiste.
Lors de leur déjeuner, Abdel-Fatah al-Sissi, Emmanuel Macron et Abdallah II ont abordé les points qui méritent d’être complétés dans le plan égyptien, notamment sur la future gouvernance de Gaza. L’Autorité palestinienne doit y revenir au terme d’une période transitoire de six mois, mais son vieux dirigeant, Mahmoud Abbas, 90 ans, était le grand absent du sommet franco-arabe. «Il commence à comprendre qu’il devra céder la place», se félicite une source diplomatique. Pour le remplacer par qui? Nul ne le sait.
Dans l’immédiat, le camp arabe soutenu par la France a une priorité: parvenir à un consensus pour séduire Washington. «Il nous faut un consensus arabe et islamique avant de le présenter à l’Administration Trump, souligne un diplomate égyptien au Caire, car seuls les Américains ont la capacité d’influencer Israël, qui rejette ce plan.» La semaine dernière, Emmanuel Macron s’est entretenu à ce sujet avec le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman, l’autre pilier du plan arabe avec Le Caire. Le temps presse : dans un peu plus d’un mois, Donald Trump se rendra en Arabie pour sa première visite à l’étranger. En attendant, une délégation arabe doit se rendre à Washington, où l’opposition au plan arabe à légèrement reflué.
Après avoir appelé à «un retour immédiat au cessez-le-feu» à Gaza entre Israël et le Hamas, ce mardi, Emmanuel Macron aura un aperçu plus précis du drame vécu par les Palestiniens de la bande de Gaza en se rendant à sa lisière, à el-Arish, l’avant-poste égyptiende l’aide humanitaire, dont l’entrée est stoppée depuis un mois par l’État hébreu.
Sur le plan bilatéral franco-égyptien, la journée de lundi a été marquée par la signature de plusieurs accords économiques dans les transports, la santé, les énergies renouvelables ou le domaine universitaire. En même temps que le président de la République foulait le sol égyptien arrivaient les deux premiers avions de combat Rafale, inclus dans le second contrat signé avec l’Égypte en 2021 et portant sur la livraison au total de 30 appareils, après 24 premiers en 2015. «Un geste hautement symbolique», s’est félicité Éric Trappier, directeur général de Dassault Aviation*, rappelant que l’Égypte avait été le premier pays à choisir le Rafale pour moderniser son armée de l’air.