Aux côtés du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, et du roi Abdallah II de Jordanie, le chef de l’Etat français a appelé au rétablissement immédiat de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne et à la reprise du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Par Philippe Ricard (Le Caire, envoyé spécial). LE MONDE.
Appel au cessez-le-feu à Gaza et défense, malgré tout, de la solution à deux Etats. Tandis que Benyamin Nétanyahou rencontrait Donald Trump à Washington, Emmanuel Macron s’est employé à faire entendre une autre voix au sujet du sort de l’enclave palestinienne, lors d’un déplacement en Egypte, lundi 7 avril.
Accueilli par une salve de coups de canon, le chef de l’Etat a d’abord retrouvé son homologue égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, au siège de la présidence au Caire. Les deux hommes se sont ensuite entretenus, pendant le déjeuner, avec le roi Abdallah II de Jordanie. Avec un double souci dicté par l’urgence : exiger la reprise des livraisons de l’aide humanitaire, bloquée par Israël depuis le 2 mars, puis mettre un terme au plus vite aux frappes israéliennes sur le territoire palestinien, trois semaines après la rupture du cessez-le-feu par l’Etat hébreu.
A l’issue de leur réunion, le trio franco-arabe a joint Donald Trump pour lui présenter ses positions, juste avant qu’il ne reçoive le premier ministre israélien à la Maison Blanche. La discussion a porté, selon l’Elysée, sur les « moyens de sécuriser de toute urgence un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, soulignant la nécessité de rétablir immédiatement un plein accès pour l’acheminement de l’aide humanitaire et la libération de tous les otages et détenus ». Les dirigeants arabes et leur homologue français ont, de surcroît, « insisté sur la nécessité de créer des conditions propices à un véritable horizon politique et de mobiliser les efforts internationaux pour mettre fin aux souffrances du peuple palestinien, rétablir la sécurité et la paix pour tous et mettre en uvre la solution à deux Etats ». Si le message n’est pas nouveau, la manœuvre entreprise par le chef de l’Etat donne une idée du sentiment d’urgence perceptible depuis la reprise des affrontements dans la bande de Gaza, le 18 mars, après deux mois de trêve entre Israël et le Hamas. Une décision prise par Benyamin Nétanyahou avec le soutien de Donald Trump, au mépris de l’accord de cessez-le-feu négocié sous la pression du président républicain, à la veille de son retour au pouvoir.
Refus du « plan Trump »
Pour Paris, le gouvernement israélien dispose plus que jamais à Washington d’un allié politique et idéologique qui ne peut que le pousser à l’intransigeance, que ce soit sur le conflit israélo-palestinien, voire sur le programme nucléaire iranien, quitte, comme sur la Russie et l’Ukraine, à faire peu de cas des Européens.
Emmanuel Macron cherche, dès lors, à donner du corps à une forme de rapprochement diplomatique entre les capitales arabes et européennes du moins Londres, Berlin et Paris afin de tenter de peser face au duo israéloaméricain. « L’Egypte et la Jordanie sont deux pays en paix avec Israël. Il faut les soutenir afin de montrer qu’il y a des partenaires pour la paix dans la région », dit-on dans l’entourage du président français.
Ce dernier a « salué les efforts inlassables déployés par l’Egypte », en tant que comédiateur pour la trêve, avec le Qatar et les EtatsUnis. M. Macron a également cherché à resserrer le partenariat économique, sécuritaire, universitaire ou culturel engagé avec l’Egypte, afin de contribuer à stabiliser le pays, sans insister en public sur la question des droits humains. Si aucun contrat n’a été signé, il a visité avec son homologue une ligne de métro livrée par Alstom, et opérée par la RATP, après avoir arpenté ensemble, la veille dès son arrivée, le souk de la capitale égyptienne et le nouveau Musée d’histoire archéologique.
Aux côtés de M. Macron, le président Sissi a insisté sur la « situation dramatique » de la bande de Gaza, dix-huit mois après les attaques terroristes du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023 et la guerre meurtrière qui a suivi. Le président égyptien comme le roi jordanien ont martelé leur refus de tout « déplacement des Palestiniens », pour répliquer au « plan Trump » d’évacuer une large partie de la population gazaouie afin de transformer l’enclave en « Côte d’Azur du Moyen-Orient », au fil de sa reconstruction. Quitte à ce que les EtatsUnis annexent le territoire, ce que Donald Trump a répété un peu plus tard devant Benyamin Nétanyahou, en dépit du coup de téléphone franco-arabe. « La paix ne sera pas atteignable sans solution pour le peuple palestinien », a déclaré Sissi, pour tenter de contrer l’approche controversée mise sur la table par le dirigeant américain.
Désarmement du Hamas
Emmanuel Macron a, pour sa part, souligné la « vision commune de la situation dans la région, qui nous unit ». « Nous condamnons la reprise des frappes israéliennes à Gaza. ( ) Seule la réponse politique permettra d’assurer la stabilité régionale », a-t-il persisté. Paris soutient, sans enthousiasme, le plan de reconstruction adopté le 4 mars par la Ligue arabe, à l’initiative de l’Egypte. Il s’agit d’une « voie réaliste à la reconstruction de Gaza », a assuré Emmanuel Macron, alors qu’Israël et les EtatsUnis ont sèchement rejeté la démarche des capitales arabes, qui chiffrent à plus de 50 milliards de dollars (45,5 milliards d’euros) les besoins pour remettre sur pied, en cinq ans, un territoire en grande partie détruit. Paris, tout comme Londres, Berlin et Rome, considèrent néanmoins que le désarmement du Hamas doit aller de pair avec ce plan, dans l’espoir, très ténu, de rassurer Israël et de convaincre les Etats-Unis.
De la même manière, la France insiste sur la réforme et le renouvellement de l’Autorité palestinienne, afin qu’elle puisse, un jour, revenir à la tête de la bande de Gaza. MM. Macron, Sissi et Abdallah ont, ensemble, « souligné que la gouvernance ainsi que le maintien de l’ordre et de la sécurité à Gaza, ainsi que dans tous les territoires palestiniens, devaient relever uniquement d’une Autorité palestinienne renforcée, avec un fort soutien régional et international ». Sur ces bases, Paris espère préparer une conférence de l’ONU annoncée pour juin, avant ou après le sommet du G7 au Canada, afin de « créer un horizon politique clair pour la mise en uvre de la solution à deux Etats ». Tandis que cet « horizon » semble des plus flous et la « solution » plus que jamais compromise au vu de la situation sur le terrain, le rendez-vous sera présidé par le président français, avec le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman. D’ici là, la France continue d’examiner la possibilité de reconnaître l’Etat palestinien, bien que cette perspective semble, à ce jour, encore plus incertaine qu’avant la fin de la présidence Biden.
Emmanuel Macron et Abdel Fattah Al-Sissi devaient se rendre, mardi, dans le port égyptien d’ElArich, situé à 50 kilomètres du point de passage de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Ils devaient rencontrer des Palestiniens, ainsi que des travailleurs humanitaires dépêchés par les ONG et l’ONU. Des organisations dont les cargaisons d’aide destinées aux Gazaouis sont toujours bloquées.