Alors que l'Arabie saoudite a baissé ses prix, le baril de pétrole américain est descendu ce lundi sous la barre des 60 dollars pour la première fois depuis avril 2021. Une chute qui menace la croissance des producteurs américains.
Julien Boitel. LES ECHOS.
Vent de panique général. Après le choc, la semaine dernière, des annonces de Donald Trump sur le relèvement des droits de douane américains, la chute sur les marchés mondiaux s'est poursui-vie lundi. Les cours du pétrole n'y échappent pas et s'enfoncent à des niveaux plus vus depuis quatre ans. Après avoir déjà plongé en fin de semaine dernière, le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en juin, dévissait, en fin d'après-midi, de 2,35% à 64,51 dollars, après être tombé à 62,51 dollars.
Son équivalent américain, le West Texas Intermediate (WTI). pour livraison en mai, láchait, lui, 2,34% à 60,90 dollars, après avoir également touché un nou-veau plus bas depuis avril 2021. à 58,95 dollars. Il a perdu plus de 16% depuis mercredi dernier et est descendu sous la barre des 60 dollars pour la première fois depuis avril 2021. Parmi les produits, les contrats à terme sur l'essence ont, eux, chuté de près de 3% à New York, atteignant leur plus bas niveau depuis le mois de février.
La crainte d'une récession mondiale
Le moral des marchés est plombé par la crainte que la guerre commerciale menée par le président américain n'entraine une récession de l'économie mondiale et un ralentissement de la demande pétrolière. Cela pourrait déboucher sur un ralentissement de la demande mondiale de pétrole de 0,1 million de barils par jour pour chaque baisse de 0,1 point de pourcentage du PIB, dans un scénario de guerre commerciale, pensent les analystes de DNB, citant Energy Aspects.
Les pertes du brut ont été aggravées par la décision surprise de Talliance de l'Opep+ d'augmenter sa production de 411.000 barils par jour en mai 2025, et aussi celle le week-end dernier de l'Arabie saoudite de réduire le prix de son pétrole brut, à un niveau le plus bas depuis plus de deux ans. Saudi Aramco a en effet baissé le prix du brut Arab Light auprès de ses principaux acheteurs en Asie plus que prévu pour le mois de mai.
Avec cette stratégie, les Saoudiens et leurs alliés entendent profiter de la situation pour gagner des parts de marché et faire chuter les producteurs américains.
Ces derniers se retrouvent déstabilisés par des prix du baril trop bas pour pouvoir investir dans de nouveaux projets pétroliers. L'équilibre économique des nouveaux puits des ExxonMobil et autres Chevron se situe par exem ple autour de 65 dollars.
L'option d'arrêter la production
Avec un baril autour de 60 dollars, cela pourrait pousser les producteurs à réduire, voire stopper certains investissements. A ce niveau, cela devient compliqué pour les Américains de lancer de nouveaux projets mais pour les forages déjà actés, cela leur coûterait plus cher de les stopper que de les continuer, assure Homayoun Falakshahi, analyste pétrole chez Kpler. Selon lui, les coûts opérationnels d'un puits tournent autour de 30 à 40 dollars le baril aux Etats-Unis.
Des entreprises américaines du secteur interrogées par le Wall Street Journal indiquent étudier plusieurs options face à cette baisse des prix. Personne n'a encore évoqué l'arrêt de la production, mais c'est une possibilité, confie ainsi le président de l'entre prise texane PBEX.
Si la situation persiste, les experts de Kpler prévoient une baisse de la production américaine de 300.000 barils par jour d'ici à la fin de l'année, et même de 600.000 si les prix chutent en des sous de 50 dollars, et de plus d'un million s'ils tombent à 40 dollars. Dans ce contexte, Goldman Sachs a réduit ses prévisions de prix pour la deuxième fois en quelques jours. Les perspectives révisées tablent sur un prix du Brent en fin d'année à 62 dollars le baril, en baisse de 4 dollars par rapport à la prévision précédente. Cette révision intègre la baisse potentielle du PIB américain, y compris la possibilité d'une stagnation de l'économie américaine.
La promesse d'un nouvel åge d'or
Donald Trump avait fait de la baisse des prix de l'énergie l'un de ses sujets favoris lors de la campagne présidentielle mais il avait aussi promis au secteur un nouvel åge d'or de l'industrie pétrolière. Cela pourrait être plus compliqué pour les industriels qu'ils l'ont pourtant soutenu jusque-là. A court terme, Donald Trump préfere un prix du pétrole plus bas pour soutenir l'économie, plutôt qu'un prix du pétrole élevé dont le reste de l'économie pâtirait, souligne Homayoun Falakshahi.
Les analystes n'anticipent, pour l'heure, pas la fin de cette baisse dans un contexte instable difficile à évaluer. La tendance va rester baissière par défaut pour tous les actifs à risque jusqu'à ce que Trump dise ou signale quelque chose qui incite les investisseurs à faire une pause et à réévaluer leurs craintes de récession, souligne Vandana Hari, fondatrice de Vanda Insights. agence spécialisée dans les marchés énergétiques à Singapour.