Après une réunion de deux heures et demie à Oman ce samedi, les émissaires des deux pays vont poursuivre leurs discussions indirectes sur le délicat dossier nucléaire.
Par Georges Malbrunot. Le Figaro
La Maison-Blanche a salué « un pas en avant » et des discussions « très positives et constructives ». L’Iran a également qualifié les pourparlers de « constructifs », tenus dans une « atmosphère très respectueuse ». Une remarque inhabituelle de la part d’un pays ennemi juré des États-Unis depuis bientôt un demi-siècle.
Pendant deux heures et demie samedi à Mascate, la capitale du sultanat d’Oman, l’émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, et Abbas Aragchi, le ministre des Affaires étrangères iranien, ont échangé des propositions écrites via al Badr al-Boussaïdi, le chevronné chef de la diplomatie omanaise qui, à quatre reprises, a fait la navette entre les deux délégations, installées dans deux salles séparées d’un même immeuble.
À la fin, Steve Witkoff et Abbas Aragchi ont eu quelques minutes d’entretien en face-à-face. Ce qui n’était pas prévu, compte tenu de l’hostilité affichée, jusque-là, par le Guide suprême de la République islamique l’ayatollah Ali Khamenei, tenant d’une ligne dure face au «Grand Satan».
Dans un entretien avec des médias iraniens, et pour ne pas s'attirer les foudres des ultraconservateurs à son retour à Téhéran, Abbas Araghchi a minimisé cet échange avec Steve Witkoff, affirmant qu’à sa sortie des discussions, il est tombé sur la délégation américaine. «Suivant le protocole diplomatique, a-t-il dit, on a poliment échangé pendant quelques minutes en disant : “hello comment ça va?” » Le ministre a pris soin de préciser qu’il n’y avait eu «aucun langage inapproprié » au cours de ces discussions indirectes, assurant que les deux camps veulent un «accord global rapidement, acceptable par les deux parties ».
Àbord de l’avion présidentiel Air Force One, Donald Trump a qualifié ces premières discussions de «OK », mais a refusé d’en dire davantage tant qu’elles ne sont pasterminées.
Washington et Téhéran se sont entendus pour poursuivre samedi prochain leurs discussions toujours sous médiation omanaise, un pays habitué à jouer ce rôle entre l’Iran et les États-Unis. « Le fait d’enchaîner les rencontres à ce rythme est un bon signe, cela montre que les choses avancent sérieusement », confie au Figaro un diplomate omanais. Ces nouveaux pourparlers se poursuivront de façon «indirecte », a fait savoir dimanche Téhéran, mais le lieu reste à déterminer.
«Définir uncadre»
«L’objet de ce premier round n’était pas de produire un accord mais de définir un cadre voire un contenu des prochains pourparlers », rappelle Nicole Grajewski, spécialiste de l’Iran auxÉtats-Unis.
Dimanche, Téhéran a affirmé que les prochaines discussions auront pour «seul » sujet le nucléaire et la levée des sanctions. Ces dernières semaines, certains responsables américains, poussés par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, assuraient que l’objectif final des États-Unis était le démantèlement complet des installations nucléaires iraniennes, ainsi quel’arrêt de l’aide iranienne apportée à ses relais au Moyen-Orient, notamment en Irak et au Yémen. Samedi, Steve Witkoff n’aurait pas fait référence à detelles exigences maximalistes.
Pour Vali Nasr, spécialiste de l’Iran à l’université Johns-Hopkins, les États-Unis auraient assuré que leur « seul intérêt » était que Téhéran n’acquiert pas la bombe, lui reconnaissant le droit à un certain niveau d’enrichissement d’uranium pour des activités nucléaires civiles.
Selon le site d'informations Amwaj, Abbas Araghchi a transmis à Steve Witkoff «les lignes rouges » de Téhéran, en soulignant que «la dénucléarisation n’était pas sur la table ». Mais il a ajouté que l’Iran était ouvert à des discussions sur un retour à un niveau d’enrichissement d’uranium tel que le prévoyait l’accord international nucléaire de 2015, signé entre Téhéran et les grandes puissances et dont Donald Trump s’était retiré en 2018, en échange d’une levée des sanctions qui mettent l’économie iranienne à genoux.
Pour Nicole Grajewski, «le but de Donald Trump est d’empêcher que l’Iran ait la bombe, alors que celui de l’Iran est d’éviter une confrontation militaire et de sécuriser un redressement économique dont le régime a tant besoin ». Tous les commentateurs s’accordent cependant à reconnaître que le plus dur reste à faire. «Le programme nucléaire est beaucoup plus avancé qu’en 2015, notamment le stock d’uranium enrichi à 60% grâce à des nouvelles centrifugeuses »,fait valoir Mme Grajewski.
Selon elle, « tout nouvel accord devra aborder les questions délicates des inspections intrusives pour restaurer la surveillance par l’Agence internationale de l’énergie atomique, des limitations strictes des niveaux d’enrichissement d’uranium, la réduction des stocks d’uranium enrichi à des niveaux élevés et avoir une vue générale sur la production et le déploiement des centrifugeuses avancées ».
Les pays arabes du Golfe, traditionnellement inquiets des ambitions nucléaires de leur voisin, ont salué les résultats de ces premiers contacts– un saisissant contraste avec leur défiance de l’accord international de 2015. Israël ne devrait pas tarder à exprimer ses réserves.