Trump et l'Iran, chronique d'un nouvel échec annoncé ?

Trump et l'Iran, chronique d'un nouvel échec annoncé ?
الاثنين 14 إبريل, 2025

Washington reprend les discussions avec Téhéran sur le programme nucléaire iranien. L'imprévisibilité de Donald Trump suffira-t-elle à convaincre les Mollahs de renoncer à l'arme atomique ?

Par Dominique Moïsi (géopolitologue, conseiller spécial de l’Institut Montaigne.) LES ECHOS.


Et maintenant l'Iran ! Tel l'inquiétant prestidigitateur d'une nouvelle de Thomas Mann, « Mario et le Magicien », Donald Trump multiplie à un rythme effréné les tours de magie. S'agit-il de masquer l'échec de chacun d'entre eux ? En dépit de ses rodomontades, la guerre se poursuit de l'Ukraine à Gaza. Son « exploit » jusqu'à présent, c'est l'extrême instabilité des Bourses mondiales. Et plus encore la perte de confiance dans l'Amérique. Tel un enfant hyperactif, qui aurait peur qu'on l'oublie, ne serait-ce qu'un instant, le président américain entend monopoliser l'attention. Surprendre par une nouvelle audace.

Ce week-end, c'est l'Iran. A Oman, son envoyé spécial, Steve Witkoff, rencontre le ministre iranien des affaires étrangères Abbas Araghchi. Pour quel résultat ? C'est l'Amérique de Trump qui avait quitté unilatéralement les négociations de Vienne (JCPOA) sur le nucléaire iranien en 2018. Si l'Iran est si proche aujourd'hui de la bombe, c'est en partie du fait de Trump. Les négociations avec la Corée du Nord, lors de son premier mandat, n'ont fait que donner un surcroît de légitimité à Pyongyang. Le régime nord-coréen pour qui multiplier les provocations est le cœur de son ADN - n'a rien cédé sur le fond. Il considère l'arme atomique comme vitale à sa survie.

N'est-ce pas aussi le cas du régime iranien ? On ne saurait certes comparer la sophistication iranienne avec la rudesse paysanne nord-coréenne. Mais l'objectif poursuivi par les deux pays est le même assurer la stabilité du régime par la possession de l'arme absolue. Et plus leurs régimes sont faibles (ou se perçoivent comme tels), plus cette arme apparaît clé.

Pour l'Iran, les dernières années ont été difficiles: contestation grandissante à l'intérieur, sur fond de crise économique qui s'aggrave. Et succession d'humiliations à l'exté rieur. « L'axe de résistance » constitué pour lutter contre « l'entité sioniste, sinon le Grand Satan » américain a été d'échec en échec depuis le 7 octobre 2023. Du Hamas très affaibli à Gaza, au Hezbollah humilié au Liban, aux Houthis décimés au Yémen, sans oublier bien sûr, la chute du régime Assad en Syrie. Mais c'est surtout l'Iran lui-même, qui pour avoir manifesté, par les armes, sa solidarité avec le Hamas et les populations de Gaza, s'est révélé beaucoup plus vulnérable qu'il ne le pensait face aux ripostes israéliennes.

La carotte et le bâton
Dans ce contexte, on peut comprendre les pressions toujours plus fortes que Washington (avec les encouragements de Jérusalem) exerce sur Téhéran, en maniant conjointement le bâton et la carotte. D'un côté le déploiement de forces significatives; de l'autre, la promesse de ne pas recourir à la force (et d'alléger les sanctions), si Téhéran renonçait à l'arme nucléaire. Mais que vaut la parole des mollahs ? Il n'y a, il ne peut y avoir, aucune confiance entre Washington et Téhéran. Et ce encore moins à l'heure de Donald Trump II. Téhéran et Moscou ont perdu le monopole du mensonge et de la Diplomatie du contre chef n'est-ce pas la recette pour la chronique d'un désastre annoncé?

Depuis le 20 janvier 2025, l'Amérique n'a plus d'allié, encore moins d'amis. En l'espace de presque cent jours Donald Trump a réussi l'exploit de détruire ce qui constituait l'avantage comparatif ultime de l'Amérique dans sa compétition avec la Chine et la Russie: l'existence, à ses côtés, d'alliances fon dées sur des valeurs communes.

Aujourd'hui, l'Amérique n'a plus que des clients, idéalement des vassaux. Le Premier ministre Israélien vient d'en faire l'amère expérience dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche. En matière de tarifs il n'a rien obtenu de son ami américain.

Imprévisibilité
Quand Donald Trump décrit, avec délice, la liste des pays (75 selon lui) qui font la queue pour obtenir de manière bilatérale des arrangements tarifaires spécifiques, je pense à ce grand tableau chinois du XVIIIe siècle, qui constituait la pièce centrale d'une exposition organisée à Londres sous l'égide de la Chine en 2005. On y voyait les ambassadeurs européens faire une longue queue pour rendre hommage à l'empereur de Chine. Donald Trump, ne travaille pas pour le roi de Prusse, comme on le disait de la France de Louis XV au XVIIIe siècle. Il travaille pour l'Empereur de Chine. Hier, l'Amérique était globalement respectée. Aujourd'hui, son imprévisibilité fait peur. Assez pour amener l'Iran à renoncer à l'arme nucléaire?